Succès des 15 ans du Fonds Avenir Bio : « Continuer à structurer et consolider les filières »

Le 07/02/2024 à 9:50 par La rédaction


Créé en 2008, le Fonds Avenir Bio a contribué au financement de 300 outils de stockage et de première transformation dédiés à la bio à travers la France, pour un montant d'aides de 75 millions d'euros. Doté dès 2024 de 18 M par an, il cherche à évoluer pour répondre aux nouveaux enjeux.

Réunies le 7 décembre à Paris pour célébrer cet anniversaire, les filières bio ­ opérateurs de la production, transformation, distribution, restauration collective, coopératives, etc., venus nombreux ­ reconnaissent l'efficacité de l'effet levier de ce Fonds pour le déploiement de la bio française. Les 25 appels à projet lancés depuis sa création ont soutenu 178 plans d'investissements et près de 350 entreprises : sur des aspects matériels, constructions de moulins, fournils, silos, huileries, malteries, conserveries, site de conditionnement, chambres froides, cuisine centrale, plateforme de distribution, ou immatériels, en coordination, appuis techniques, création d'insertion sociale, de moyens pour atteindre l'autonomie protéique, etc. : « C'est un accompagnement financier et humain, qui irrigue l'amont et l'aval, consolide les collectifs d'entrepreneurs du bio, participe à la dynamique des territoires, et oeuvre pour la souveraineté alimentaire, avec aujourd'hui 70 % des aliments bio produits en France », rappelle Loïc Guines, président de l'Agence Bio, en introduction à cette journée dédiée.

Soutenir et accompagner les projets vertueux

Abondé par le ministère de l'Agriculture, renforcé à partir de 2021 via le Plan de relance, le montant global octroyé pour la structuration des filières passe à 13 M/an en 2021, puis à 18 M/an dès 2024, soit six fois plus qu'à ses débuts. « Cette enveloppe a contribué à faire progresser les surfaces, de 2 % en 2008 à 10,7 % en 2022 », se réjouit Loïc Guines. En 15 ans, « pour chaque euro confié au Fonds Avenir Bio, 4 à 5 euros ont été fédérés pour donner vie aux projets de filières », poursuit le président. Ce, grâce aux apports complémentaires des régions, agences de l'eau, et aussi des banques. Les 76,5 M du ministère ont généré plus de 500 M d'investissements. « Face à la conjoncture actuelle difficile pour les filières bio, tous les projets vertueux et engagés, dont ceux à venir, doivent pouvoir être soutenus, affirme-t-il. Le changement d'échelle de la bio doit être poursuivi, pour atteindre les objectifs de l'État de 18 % de bio en 2027 et de 20 % de bio en restauration collective. » Un objectif rappelé, une fois encore, par Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture, via une vidéo enregistrée pour l'occasion. Le message est de poursuivre la structuration des filières, et aussi consolider les infrastructures et des outils existants, « pour que la bio française renoue avec sa croissance », conclut le président Guines.

Réviser les critères

Si les 95 millions d'euros mis à disposition par le ministère de l'Agriculture depuis 15 ans n'ont pas été tous distribués, « c'est que certaines années, les projets présentés n'étaient pas en phase avec les critères d'attribution », explique Laurence Foret-Hohn, directrice adjointe de l'Agence Bio, en charge du Fonds. Fin 2023, une réflexion est en cours pour faire évoluer rapidement ces règles, en les adaptant au contexte actuel. « Cette révision peut introduire des critères en recherche et développement, en accompagnement technique, en appui aux effectifs ou en conseil dans le cadre d'un projet », précise-t-elle. Le soutien à la recherche de débouchés, aspect réclamé par les filières, est à étudier, « dans la limite du respect réglementaire de non-distorsion de concurrence au niveau de l'Union européenne ». Les fondamentaux restent cependant la base de ces dotations, notamment la nécessité d'une démarche collective, avec des partenaires à tous les stades de la filière bio, de la production à la distribution, en passant par la transformation. Le tout scellé par des contrats, sur un engagement de deux à trois ans.

Rendre la bio plus accessible

« C'est vrai qu'actuellement, il est plus compliqué pour les filières de s'engager, sur les volumes ou les prix, et même sur plusieurs années », reconnaît Laurence Foret-Hohn. Cependant les projets visant à réduire les coûts de la bio pour rendre une bio plus accessible, « trouvent leur place dans des investissements capables de massifier, d'améliorer la logistique, ou de moderniser les étapes de production et de transformation, surtout en ces périodes de crise ». Si le montant des aides du Fonds est plafonné à 800 000 euros, ou à 1,3 M en cas de partenaires bénéficiaires, il peut aussi répondre à des investissements plus modestes, avec un minimum de 50 000 HT. Par exemple, des pro- ducteurs regroupés pour monter des ateliers de transformation à la ferme, avec de la vente directe sont ciblés.

« Tous les profils de projets misant sur le collectif peuvent en bénéficier et sont étudiés, mais hélas, ce dispositif n'est peut-être pas assez connu, admet Laurence Foret-Hohn. Il ne faut pas hésiter à se renseigner auprès de l'Agence Bio qui bénéficie d'une équipe dédiée très professionnelle. » Selon les différentes lignes du projet, la part prise en charge par le fonds et les cofinancements peut couvrir de 10 % à la totalité de l'investissement.

Un effet levier très important

« Ce fonds est très qualitatif , exigeant, mais les dossiers sont longs à monter, demandant en moyenne six mois, et c'est surtout le grand oral de cinq minutes pour exposer la demande qui peut être compliqué pour les porteurs de projets », souligne Martine Cavaillé, coordinatrice de Bio Nouvelle Aquitaine. Cette structure accompagne les entreprises dans leurs démarches de recherche de financements, surtout les PME, et les aide à construire les projets. « Notre appui est très motivant et rassurant pour les candidats », assure Martine Cavaillé. Durant la matinée, des bénéficiaires témoignent de l'impulsion apportée par ce financement dans leur trajectoire de développement. Lauréate en 2022, la Ferme de Chassagne en Charente illustre, selon Martine Cavaillé, l'effet levier de cet appui financier pour ce groupement qui est passé de 8 à 30 producteurs, visant 2 000 tonnes de produits bio, céréales et légumineuses en 2024. Ce projet multipartenarial et équitable, en lien avec la Corab, Fermes Bio, Biocoop, etc., d'un montant total de 3,7 M, est soutenu pour 579 192 par le Fonds dans le cadre du Plan de Relance, avec un cofinancement supplémentaire de la région Nouvelle Aquitaine.

Poursuivre le changement d'échelle

Parmi les nombreux témoignages, la société Prosain, fabricant historique bio de conserves de fruits et légumes et de plats cuisinés, a bénéficié d'un appui de 688 960 , sur un investissement de 7,2 M. « Le projet est d'adapter l'outil et nos produits bio à la croissance, en lien avec des partenaires fournisseurs amont, Grains de Soleil, Bio Centre Loire et Tomates d'Aquitaine », expose Brooks Wallin, président-fondateur de l'entreprise. Malgré les difficultés actuelles, le patron de Prosain garde le cap. Mais s'étonnant des prix élevés affichés sur les étals des magasins, il estime nécessaire « de travailler ensemble avec l'Agence Bio tout au long de la filière pour être plus compétitifs et rendre la bio plus accessible ». De son côté, Vincent Rozé, président du réseau Manger Bio, fort de 22 plateformes, illustre le soutien apporté à la RHD : « le Fonds Avenir Bio nous a aidés à investir dans l'amélioration d'un système d'information dédié et efficace, prenant en compte nos spécificités ». Ce, dans le but de rationaliser la gestion d'approvisionnement et de distribution des cantines, « car la maîtrise de la logistique est un défi, en raison de la multitude d'acteurs, en amont comme en aval ». Pour Philippe Bernard, président et directeur des achats et de l'offre de Biocoop, et président de Biocoop restauration, le succès du Fonds Avenir Bio, « est la relocalisation de l'ensemble des matières premières, condition sine qua non, car le consommateur privilégie l'achat local au bio ». Ses effets positifs sur la recherche et développement sont importants aussi, notamment pour limiter l'ultratransformation, « mais doivent être accentués car les besoins sont considérables ». La réussite du Fonds est en outre « d'avoir maillé le territoire de projets, via les groupements de producteurs », rappelle également Philippe Bernard. Pour tous, le changement d'échelle doit se poursuivre. « Face aux difficultés actuelles, la résilience des entreprises est là pour montrer l'efficacité de ces dispositifs, car l'argent est investi là où il faut, grâce au réseau de professionnels et de spécialistes, qui pilotent ce Fonds, c'est exceptionnel, assure Jean Verdier, administrateur de l'Agence Bio et du Synabio. Aujourd'hui, au moment de la révision des critères du Fonds, il faut parler prix et accessibilité, ce ne doit plus être un tabou. »

Christine Rivry-Fournier

En savoir + : agencebio.org