Prosulfocarbe : sa suspension refusée malgré ses contaminations

Le 16/09/2022 à 13:59 par La rédaction


En mai 2021, des producteurs et productrices bio sont victimes d’une contamination de leurs cultures de sarrasin et de chia par un herbicide très utilisé en agriculture conventionnelle et dénoncé pour sa volatilité : le prosulfocarbe.

 

Quatorze agriculteurs bio sont concernés, répartis sur le quart nord-ouest de la France. Les analyses effectuées par la coopérative agricole Biocer l’amènent à détruire l’ensemble des lots pour protéger le consommateur. Résultat : 100 000 € de pertes pour les agriculteurs. « Aucun système d’indemnisation n’est prévu par l’État, aucun recours n’est possible » , dénoncent la Fnab, Générations Futures, et la coopérative Biocer. Les trois organismes demandent la suspension en urgence de l’autorisation de mise sur le marché de l’un des 19 pesticides contenant du prosulfocarbe – le Fixy de la société Top SAS –, avant les prochains traitements d’automne. Portée en justice, l’affaire s’est soldée, le 19 juillet 2022, par un rejet de la requête. La raison invoquée est le manque d’éléments « permettant d’apprécier l’ampleur réelle des conséquences pour les agriculteurs » .

 

Aucune indemnisation possible

Le prosulfocarbe est le second herbicide le plus utilisé en France, derrière le glyphosate. Cette substance très volatile peut parcourir « plusieurs kilomètres dans les airs » , selon une note scientifique de l’Anses. Ainsi, on la retrouve régulièrement dans les analyses d’air et d’eau de surface et elle contamine de plus en plus de parcelles cultivées en bio. En 2018, l’Anses a mis en place des règles d’usage plus strictes pour prévenir le risque de contaminations. « Mais le bilan fait quatre ans plus tard montre que celles-ci augmentent , pointe la Fnab. Les lots contaminés sont détruits puisque la contamination dépasse les normes sanitaires. » Aucun responsable ne pouvant être identifié à cause de cette grande volatilité, les producteurs impactés ne reçoivent aucune indemnisation. Conséquence : les producteurs et les coopératives hésitent donc de plus en plus à implanter du sarrasin, alors que la demande est forte, laissant la porte ouverte aux importations. Pour continuer à produire cette espèce en bio, « éviter de détruire de nouvelles récoltes bio et de laisser les producteurs et productrices sans solution, nous n’avons pas d’autres choix que d’essayer d’empêcher son utilisation, explique Philippe Camburet, président de la Fnab. Si la justice refuse de prendre notre requête en considération, il est nécessaire de mobiliser des fonds publics pour indemniser les producteurs. Nous sommes rassurés par les dispositifs de contrôle, mais refusons d’être pénalisés. »

 

C. R.-F.