Détecter les ravageurs : un gain de temps avec les pièges connectés

Le 16/05/2025 à 13:11 par La rédaction

Faut-il s’équiper en pièges connectés ? La chambre d’agriculture des Pays de la Loire s’est penchée sur le sujet, avec une analyse comparative. Côté conseillers, les atouts, en particulier le gain de temps, sont nets. Pour les producteurs, c’est à réfléchir en fonction de chaque situation.

Nul besoin de l’expliquer : pouvoir suivre l’arrivée des ravageurs est essentiel, notamment en cultures spécialisées. Observation visuelle, frappage-battage, piège chromatique, à phéromone sexuelle et bande piège forment la boîte à outils courante des conseillers et producteurs. Une palette étoffée depuis quelques années par des pièges connectés, évitant notamment d’avoir à faire des relevés in situ. Une conférence était dédiée au sujet le 15 janvier 2025 au Sival. Maxime Chabalier, conseiller en maraîchage à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, les utilise par exemple pour suivre l’évolution de Tuta absoluta en culture de tomate. Les pièges à l’extérieur des abris offrent la possibilité de « détecter les arrivées de populations, qui sont de plus en plus précoces ». Sous les abris, il s’agit de suivre le décrochage – ou non – de la confusion sexuelle, avec des contournements depuis deux ans. Pour savoir quand intervenir, des suivis de pucerons sont aussi réalisés, et « sur certaines cultures, l’objectif est de voir à partir de quand il faut aller dans les parcelles pour commencer à regarder les plants : cela évite de faire des déplacements de technicien ou de conseiller pour rien, et donc d’optimiser », appuie Maxime Chabalier. Avant de déployer un piège sur une ferme, le conseiller insiste : « Il faut avoir une stratégie à la culture : à partir de quand intervenir, avec quoi, sur quel ravageur, qu’est-ce qu’on veut suivre ? ».

Observer la nuit

Les pièges connectés servent en outre à suivre les vols des papillons la nuit. « On les utilise également de plus en plus pour détecter les auxiliaires », indique Maxime Chabalier. Par exemple, ils aident à évaluer la présence de prédateurs nocturnes dans un tunnel avec des plantes de service, « et à observer les impacts des aménagements sur la prédation nocturne. On a découvert que le syrphe avait presque autant de prédation de nuit que de jour ». Pour le conseiller, « on en apprend énormément avec les différents pièges, on peut réactualiser nos connaissances ». Alors faut-il s’équiper ? Maxime Chabalier a listé les atouts des pièges connectés : pas besoin de passer tous les jours ou toutes les semaines sur les parcelles, il suffit de consulter son téléphone ou son ordinateur. Les pièges sont géolocalisés, la courbe de vol est directement disponible, et il est possible de recevoir des alertes. Certains matériels sont capables de prendre des photos, avec identification du ravageur, sont autonomes avec un panneau solaire, disposent d’une station météo intégrée... Côté contraintes, le premier frein reste le coût, avec un abonnement. À prendre aussi en compte : le risque de vol, la nécessité de néanmoins passer changer la phéromone régulièrement et de recharger la batterie si besoin, et des couacs sont possibles dans la reconnaissance des insectes. Les photos sont de plus parfois floues.

La bruche est suivie avec des pièges connectés, ici CapTrap, pour identifier le pic de vol, afin de regarder l'effet du changement climatique sur plusieurs campagnes. (© M. Chabalier)

Moins de main-d'œuvre

Une analyse comparant les coûts d’un réseau de pièges connectés et classiques a été réalisée. En prenant l’hypothèse d’un maillage de dix pièges, la balance penche en faveur des pièges connectés : 4 835 € contre 5 835 € en classique. Cette différence s’explique par le coût de la main-d'œuvre pour le suivi d’un piège sur trois par un technicien (71 € en connectés vs 537 €), le suivi du réseau (714 € vs 5 371 €), l’essence (20 € vs 163 €), malgré le prix élevé des pièges connectés (410 € chacun, contre 30 € pour un classique). « Nous, on fonctionne beaucoup en mixte », fait part Maxime Chabalier, ajoutant que « la plupart des sociétés travaillent actuellement sur l’intégration dans leurs algorithmes de photos prises manuellement sur des pièges classiques pour faire des comptages automatiques ». Si l’intérêt est évident pour les conseillers, quid des producteurs ? « Par exemple, recevoir un mail ou SMS quand le seuil d’intervention est atteint est un avantage », répond le conseiller. Quant au gain de temps, « le débat se pose sur le déplacement d’un producteur vers sa parcelle. Il en profite pour réaliser plusieurs tâches : déclencher l’irrigation, aller voir sa culture... » d’où l’intérêt de bien faire le calcul. Pour l’instant, le taux d’équipement des producteurs reste faible.

(©DR)
(©Grab)

Trapview sur verger : détecter le carpocapse

« On utilise un Trapview depuis deux saisons pour détecter le carpocapse sur deux sites », explique un arboriculteur de la région lyonnaise, souhaitant rester anonyme. L’une des parcelles, en conventionnelle, rencontre une forte pression, et l’autre, en bio, n’est pas couverte par des relevés de technicien

« C’est génial car les pièges fonctionnent tout seuls, ils envoient des alertes, cela nous permet de positionner nos traitements. » Économiquement, le gain est net pour le producteur, surtout pour la parcelle très touchée.

 

En 2025, des suivis vont notamment être réalisés sur hoplocampe et anthonome.
(© N. Tounsi)

Des essais sur pucerons en arboriculture

En 2024, Nadia Tounsi, conseillère en arboriculture à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire teste les pièges connectés Trapview sur puceron cendré en lien avec le fabricant. Deux pièges sont installés, en Loire-Atlantique et Vendée. En pratique, les pièges sont réglés pour recevoir une photo par jour, sachant qu’après la prise, la bande engluée se renouvelle. Pour la conseillère, l’objectif était « de réduire le temps de déplacement et le temps d’identification, d’avoir une courbe sur plusieurs années pour mieux connaître le cycle du ravageur, et de pouvoir transmettre au plus tôt les informations aux arboriculteurs ». Le piège de Trapview n’a pas été conçu pour suivre les pucerons cendrés, mais l’entreprise a accepté cet essai. « L’objectif était de voir si l’appareil photo arrivait à prendre un cliché net des pucerons cendrés », indique Nadia Tounsi. Actuellement, la qualité est un peu juste pour ces ravageurs, mais l’outil fonctionne très bien pour d’autres insectes. En 2025, « On va essayer sur l’anthonome, très difficile à capturer, l’hoplocampe du pommier, pour lequel il n’y a plus de solution homologuée en agriculture biologique, la cicadelle et l’auxiliaire Aphélinus mali », prévoit Nadia Tounsi.

 

Marion Coisne