Grâce à ses atouts agronomiques mais aussi économiques, la luzerne est souvent incontournable en système céréalier. Des producteurs témoignent sur leurs choix culturaux et commerciaux.
En bio depuis 1977, Christian Le Beuf a toujours cultivé de la luzerne sur son exploitation de Prunay dans la Marne. “En Champagne crayeuse, c’est une plante indispensable en système céréalier, surtout quand on n’a pas recours à la chimie. Il ne faut pas oublier qu’à l’origine, la région était qualifiée de “pouilleuse” ! Grâce à la luzerne qui fixe beaucoup d’azote et maintient la terre propre, on va pouvoir bâtir une rotation cohérente et durable.”
En début de rotation Placée en tête d’une rotation de douze ans, la légumineuse est implantée pour deux ans et demi ou trois ans et demi, sous couvert d’orge de printemps (lire en encadré). Toute la production est livrée à l’usine de déshydratation du groupe Luzéal à Pauvres, dans les Ardennes, distante d’environ 40 km. L’usine prend en charge tous les travaux de récolte selon un calendrier très précis : fauche à plat et préfanage au champ de 24 h, puis andainage et récolte quasi simultanés. L’exploitation de la luzerne, qui démarre seulement au printemps de l’année suivant l’implantation – la première année, le couvert est généralement broyé à l’automne – se fait en principe toutes les six semaines.
De fin mai début juin jusqu’à la mi-octobre, quatre coupes sont réalisées en moyenne pour un total d’environ 13 tonnes de matière sèche par ha (15 ces dix dernières années). Dans un souci de traçabilité, les cycles d’exploitation de la plante bio sont toujours réalisés en dernier, ce dont se félicite Christian Le Beuf. “La luzerne étant récoltée moins jeune, souvent à la floraison, les tonnages sont plus élevés, notamment en première coupe. Par ailleurs, j’ai toujours entendu les anciens affirmer que la luzerne n’épuisait pas les sols quand elle était coupée une fois en fleur et non avant”. Cette analyse est confirmée par le semencier Jouffray-Drillaud. “La pérennité de cette légumineuse est améliorée si on la laisse fleurir au moins une fois par an. C’est à la floraison que la plante a immobilisé un maximum de réserves, sucre et amidon, dans son pivot, lui permettant de résister à l’hiver et de repousser au printemps”.
Des vinasses en fertilisation
Sur l’ensemble de son cycle, la luzerne est fertilisée deux fois, la première à l’implantation, avec 4 tonnes de vinasses de betteraves, riches en potasse – élément dont elle est très gourmande – puis tous les ans, comme les autres cultures de la rotation, avec 150 kg de kiésérite pour compenser la pauvreté des sols en magnésie. “Quand la culture est conservée au-delà de deux ans et demi, 300 kg de patenkali sont aussi épandus pour compenser les exportations de potasse”, précise Christian Le Beuf...