Midi-Pyrénées : les cantines de Toulouse tablent sur la bio et le local (B69)

Le 23/04/2010 à 8:11 par La Rédaction


La ville de Toulouse mijote des repas bio.

Pour y parvenir, l’appel d’offres de 2009 a comporté 84 lots bio afin d’intéresser les petits fournisseurs. De plus, des critères environnementaux ont été stipulés dans le but de favoriser le local et ce, en toute légalité. Début 2010, l’équivalent d’un repas bio a été servi par semaine, correspondant à 18,5 % du budget de la restauration de la ville consacré au bio, soit 1,55 million d’euros. Désormais la viande, les fruits, les laitages frais, les fromages et autres produits transformés comme le pain et les biscuits sont bio et d’origine régionale. Élisabeth Belaubre, adjointe chargée de la santé environnementale et de la restauration scolaire, explique son projet.

Le pari d’atteindre 20 % de bio dans une ville qui sert 27 000 repas par jour ne va pas de soi, pourquoi y avez-vous cru ?

J’en avais très envie et j’étais convaincue qu’une grande cité comme Toulouse, qui a la chance d’avoir une cuisine en régie pour ses 200 écoles primaires, peut faire de la bio un outil politiquement intéressant, à la fois pour offrir de meilleurs repas aux enfants, et pour développer la filière bio locale. Je savais que ce ne serait pas facile, mais j’ai trouvé à la cuisine centrale une équipe formidable, compétente et prête à porter le projet avec moi. Au final, c’est en effet compliqué car il faut des quantités, beaucoup d’énergie en commission menus, gérer les marchés autrement et ça coûte. À l’inverse, comme je défends des choix qui engagent des millions d’euros, les fournisseurs se mobilisent. Notre boulanger a joué le jeu et aujourd’hui, le pain est bio tous les jours dans les cantines.

Vous insistez sur l’aspect local ?

Oui, il faut que le bio se banalise, qu’on en trouve localement et que les prix baissent. Mon rêve est que l’agriculture redevienne 100 % bio. Nous avons beaucoup travaillé sur les termes des appels d’offres. Par exemple, on prend en compte le délai entre cueillette et livraison alors qu’avant, on exigeait des fournisseurs qu’ils aient des chambres de mûrissement. Cela disqualifiait directement la plupart des producteurs et amenait sur les tables des fruits rarement cueillis à maturité.

À défaut de bio local, on privilégie des produits de proximité sous autres de signe de qualité. Le contenu des assiettes en est amélioré au niveau goût. Mais je suis très remontée contre ceux qui mettent tous les signes de qualité sur le même plan. Car, à l’inverse du bio, les autres ont des pratiques agricoles qui ne changent pas. On paie cher et on continue d’encourager une agriculture dangereuse et polluante.

Vous avez aussi le projet de créer une légumerie ?

Oui et cela me tient beaucoup à cœur. Car je me suis aperçue très rapidement qu’il y a une promesse de campagne que je ne pourrais pas tenir : celle d’utiliser plus de légumes locaux de saison. Et ce, tout simplement car pas un seul kilo de légumes ne peut entrer tel quel à la cuisine centrale. Actuellement, lorsque nous servons des légumes frais, ils sont apprêtés très loin de Toulouse avec, au passage, jusqu’à 60 % de déchets générés. Cela se fait de façon très automatisée, avec peu de personnel et implique énormément d’emballages perdus. Bref, tout ce qu’il ne faut pas faire. Au final, ces produits coûtent très cher, sans être bio ! Aujourd’hui, pour nos équipes, servir des produits de saison est difficile et relève juste de la philosophie puisque c’est la légumerie qui a le pouvoir. En fait, soutenir des filières locales courtes ne peut se faire sans avoir l’outil pour préparer les légumes sur place. Nous travaillons d’arrache-pied à ce grand projet qui inclut aussi un volet réinsertion avec, à la clé, la relocalisation d’une vingtaine d’emplois. Nous savons déjà qu’il tient la route sur le plan économique.

Comment votre démarche est-elle perçue ?

J’étais assez pessimiste car la cuisine centrale est un énorme paquebot où les plats sont préparés, non pas le jour même, ni la veille mais au moins trois jours avant d’être servis, et cela dans un système de liaison froide. Je craignais que les usagers n’y voient aucune différence. En réalité, l’apport de légumes frais est remarqué. Sur la première année, nous enregistrons une hausse de 10 % des convives, due surtout à plus de fidélité du côté des adultes. Un succès.

Allez-vous vous inspirer du “jeudi sans viande” initié avec succès par Gand en Belgique et qui fait maintenant des émules en Allemagne et ailleurs ?

Pour l’instant, nous n’avons pas travaillé sur des modifications du repas telles que diminuer la viande ou passer à quatre éléments. Cela ne pourrait se faire qu’après un travail de réflexion en commun et avec l’adhésion des parents. Mais pourquoi pas ! À cet égard, depuis octobre, nous avons créé un groupe de travail chapeauté par un médecin nutritionniste que nous avons embauché. On se retrouve régulièrement avec des parents volontaires. Pour l’instant, le thème, c’est le gaspillage. On explique nos idées, on attend leurs retours et ensuite seulement on prend des décisions.

Propos recueillis par Martine Cosserat