Festival C’est Bio la France : l’Agence Bio en ligne de mire

Le 28/05/2025 à 16:32 par La rédaction

« L’équipe de France du bio, c’est tout le monde – producteurs, entreprises, interpro, distributeurs, collectivités, restaurants, etc. », appuie Jean Verdier, président de l’Agence Bio, en lançant le Festival C’est Bio la France, jeudi 22 mai, à Paris, à l’occasion des 40 ans festifs du label AB et du démarrage de la campagne de communication grand public. « Chacun peut endosser le maillot et participer. Le match se joue tous les jours, et l’envie de gagner ne manquera jamais ! » La métaphore sportive, déclinée à l’envie par l’Agence Bio, est plus que jamais d’actualité, pour soutenir la filière bio face aux nouvelles contre-attaques du Masa – ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire –, son ministère de tutelle.

Freinés en plein élan

Alors que la reprise du marché bio se confirme, la partie s’est tendue en réaction aux récentes annonces de la ministre Annie Genevard, concernant des coups de rabot dans les budgets de communication de l’Agence Bio et de son Fonds Avenir Bio, destiné à la structuration des filières. La déception est grande chez les acteurs de la bio – réseau Fnab, Maison de la Bio, Interbio régionales – (lire leur communiqué), abasourdis par tant d’acharnement, après les deux tentatives de suppression de leur Agence en 2024 puis en début 2025.

« Cette fois, la chute de 64 % du budget est vertigineuse, et nous freine en plein élan, regrette Jean Verdier. Mais on va se battre pour les sauvegarder, et on a besoin de vous tous, pour se mobiliser auprès des élus. L’agriculture bio nécessite du temps long, du collectif, du consensus et une action transpartisane, que favorise le travail de l’Agence Bio, ses sept familles, ses 20 salariés, ses élus et ses bénévoles. » Mais la fête mijotée pour propulser cette nouvelle campagne de communication déclinée sur le slogan C’est Bio la France, pour la première fois de grande ampleur, est assombrie. Elle risque de ne pas survivre à ce lancement.

Le producteur Philippe Henry, ancien président de l’Agence Bio, témoigne de sa confiance dans l’avenir de la bio. ©Rivry C.

Défendre ses missions

Précédant cette soirée tant attendue pour la communication, le 22 mai en début d’après-midi – hasard du timing ? –, l’Agence Bio a dû défendre sa raison d’être et son travail auprès de la commission d’enquête du Sénat sur les missions des agences et organismes consultatifs de l’État. Autour de Jean Verdier, Laure Verdeau, directrice de l'Agence Bio, et Laurence Foret-Hohn, directrice-adjoint, Philippe Henry, ancien président de l’Agence Bio et polyculteur-éleveur bio depuis 25 ans en Meurthe-et-Moselle, a plaidé en faveur des missions et les moyens de l’Agence Bio. Pour cet agriculteur convaincu et engagé, l’Agence Bio – dans sa forme actuelle – est indispensable pour accompagner le développement de la bio, et la rendre visible. « Il est trop tôt pour l’incorporer au ministère, notamment à France Agrimer, elle sera noyée, et la bio avec », pointe-t-il.

 

En réponse à la sénatrice Christine Lavarde, rapporteur de la commission, Laure Verdeau détaille la répartition des 12 milliards du CA de la bio en 2024, mettant l’accent sur les spécificités du marché bio. D’où un énorme travail avec les territoires, notamment les Interbio régionales, qui porte ses fruits pour la collecte de données précises. « Le local, tout le monde en parle, mais ceux qui le font, ce sont les bio, à travers 26 000 fermes qui vendent en direct, soit 15 % du marché du bio. »

Si l’objectif de la France est d’atteindre 18 % de SAU en 2027 dans le Plan stratégique national, et 21 % en 2030 dans la loi d’orientation agricole, « on n’en est qu’à 10 %, et on recule cette année, à l’inverse d’autres pays européens plus volontaristes, affirme Laure Verdeau. On est redescendu sur la deuxième marche en surfaces, derrière l’Espagne, désormais leader avec 3 millions d’hectares fin 2024 ».

Un projet commun d’intérêt public

Plus tard, en fin de journée, face à des opérateurs bio somme toute inquiets face à l’avenir et déçus de ces rétropédalages en matière de politique environnementale, Philippe Henry témoigne, se disant confiant : « On est soudés, réunis autour d’un projet d’intérêt public, affirme-t-il. Nous sommes en train de construire ensemble une œuvre commune bonne pour la société, la planète, c’est ce qui fait notre force, cela nous rend indestructibles ». Il rappelle les missions du Cnab – Comité national de l’Agriculture bio au sein de l’Inao– réunissant tous les acteurs de la bio. « Là aussi, il nous faut trouver des consensus, et on y arrive. »

Pour calmer le jeu, la ministre Annie Genevard, dans un communiqué daté de ce même jeudi 22 mai, tente de réaffirmer son soutien à la bio, soulignant ses externalités positives, mais sonne faux au sein des acteurs de la filière. Trop de signaux négatifs, aucune annonce réconfortante, juste un rappel de ce qu’ont fait ses ministres précédents. Pourtant, comme le rappelle la Fnab par voix de ses deux nouveaux co-présidents, Olivier Chaloche et Loïc Madeleine, « l’agriculture bio prouve qu’elle est capable de produire durablement, en s’adaptant à des contraintes fortes, sans pesticides de synthèse, sans engrais azotés issus du gaz fossile, et dans le respect des écosystèmes. Elle constitue une réponse crédible face aux crises climatiques, environnementales et sanitaires, tout en assurant la vitalité économique de nombreux territoires. »

Loïc Madeline (à gauche) et Olivier Chaloche. ©CRF

Même assombri, lors de ce temps fort des 40 ans du label AB et de son marché gourmand à la découverte des atouts culinaires du bio, le défilé de nombreux témoignages engagés d’acteurs de tous les maillons de la filière prouve de nouveau le fort dynamisme de celle-ci pour poursuivre le tournoi. « Le bio, ce n’est pas une mode, c’est construire demain », résume Jeanne Fabre, présidente du salon Millésime bio.

Christine Rivry