Les chambres d’agriculture mobilisées sur la bio

Le 11/12/2014 à 17:23 par La rédaction


En clôture d’une journée consacrée à la bio par les chambres d’agriculture le 9 décembre à Paris, Guy Vasseur, président de l’APCA (Assemblée permanente des chambres d'agriculture) et Etienne Gangneron, président de l’Agence Bio et de la chambre d’agriculture du Cher rappellent le niveau d’implication des chambres d’agriculture qui se renforce avec la mise en place de Ambition Bio 2017. 

Le point de vue de l’APCA sur la nouvelle réglementation européenne bio en cours de rédaction est aussi à l’ordre du jour.

Guy Vasseur, président de l'APCA, et Etienne Gangneron, président de l'Agence Bio et de la chambre d'agriculture du Cher.
Guy Vasseur, président de l'APCA, et Etienne Gangneron, président de l'Agence Bio et de la chambre d'agriculture du Cher.

 
L’APCA réaffirme son engagement envers la bio : « Plus de la moitié des nouveaux convertis à la bio sont accompagnés par les chambres d’agriculture », affirme Etienne Gangneron. Presque 5 % des élus des chambres sont des agriculteurs bio (200), et 3 % de l’ensemble des collaborateurs, soit un peu plus de 250 conseillers sont spécialisés sur la bio (1).

 De nouvelles conversions attendues

« Nous renforçons notre démarche de soutien pour amener les conventionnels à changer leurs pratiques vers la bio, ce qui nécessite d’être très pointus sur le plan technique », confirme Guy Vasseur, président de l’APCA. Ce, d’autant plus que la conjoncture actuelle comporte tous les indices annonciateurs d’une nouvelle vague de conversions en 2015, notamment en grandes cultures : « nous progressons par pallier, et actuellement, si les conversions sont faibles, la baisse des cours en céréales conventionnelles, et surtout leur volatilité pourraient bien être le déclencheur pour passer à un nouveau cap. La stabilité des prix en bio  et la demande toujours en progression sont plutôt rassurantes », analyse Etienne Gangneron.
La hausse des aides à la conversion dans le cadre de la nouvelle Pac, de 200 € à 300€ à l’hectare en grandes cultures est également motivante. L’élevage aussi pourrait être concerné. « C’est pourquoi les chambres d’agriculture se mobilisent encore davantage, notamment via le 1e axe du plan Ambition Bio 2017 du ministre de l’agriculture », précise Guy Vasseur. Quant aux aides au maintien, après de fortes inquiétudes dans certaines régions concernant leur pérennité, - ce qui a provoqué de fortes mobilisations des professionnels- , elles seraient conservées partout. Mais toutes les modalités de versements ne sont pas encore connues.

Alerte sur les financements des expérimentations

Selon l’APCA, si les indicateurs en faveur des conversions passent au vert, quelques inquiétudes assombrissent le tableau. « L’amputation de 50 millions d’euros  de la dotation nationale attribuée à l’agriculture, notamment  via le Casdar, les financements France Agrimer, et les chambres d’agriculture risquent de remettre en cause les efforts en matière de recherche et d’expérimentation indispensables notamment à la bio », alerte Guy Vasseur. « Les dispositifs en place sont en danger. Pourtant, plus que jamais, on a besoin de recherche et d’expérimentation. On a des défis à relever, notamment en raison des évolutions du climat; notre pays a besoin de développer son agriculture, et en bio, il faut répondre à la demande des consommateurs, et du marché à l’export », continue le président. Forte de plus d’un million d’ha en bio, la France pourrait bien prendre la 2e place dans l’Union européenne en terme de surface bio, après l’Espagne, en raison du recul de l’Italie et de l’Allemagne. Et dans un contexte d’une demande en croissance enregistrée dans la plupart des pays, le marché s’avère porteur.

Inquiétudes en Paca 

Fabien Bouvard, coordinateur du réseau bio à la chambre régionale PACA.
Fabien Bouvard, coordinateur du réseau bio à la chambre régionale PACA.

Fabien Bouvard, coordinateur du réseau bio de la chambre régionale de Provence-Alpes Côte d’Azur illustre ces inquiétudes. Dans cette région, leader française en part de SAU consacrée à la bio – plus de 15 %-, de nombreux dispositifs de développement sont actionnés. La dynamique de conversions a été très forte depuis 2010, notamment en vigne, et si elle est aujourd’hui ralentie, « cela permet de nous concentrer davantage sur le développement des débouchés »,  souligne le conseiller.
Or sur le plan de l’expérimentation, indispensable pour préparer l’avenir, la bio a du souci à se faire : exemple, le travail sur les variétés de fruits tolérantes aux maladies, notamment à la tavelure pour la pomme, effectué par la station expérimentale de la Pugère, située à Mallemort dans les Bouches du Rhône risque d’être entravé.  Les crédits alloués sont remis en cause, « et comme c’est un investissement de longue haleine, on risque de perdre ce tout ce qu’on a déjà mis en place, on navigue à vue », s’inquiète le technicien. C’est à la station de la Pugère que s’est déroulé en octobre dernier, le salon Tech&Bio des pratiques bio et alternatives (2). Organisé par les chambres d’agriculture en lien avec les autres organismes bio régionaux, il a remporté un franc succès avec 1 500 visiteurs, des bio et aussi des conventionnels. L’objectif est d’effectuer les transferts de connaissances  pour aider les producteurs à progresser vers une agriculture respectueuse de l’environnement. L’édition nationale  bisannuelle de la Drôme, en septembre prochain, et qui attire plus de 13 00 visiteurs, est en préparation.

Projet de règlement bio en cause

Le projet de la Commission européenne de nouvelle réglementation bio, en pleine discussion au Parlement,  préoccupe aussi l’APCA. Président de l’Agence Bio et de la chambre d’agriculture du Cher, Etienne Gangneron, éleveur bio depuis 17 ans, a été auditionné publiquement sur ce sujet le 3 décembre à Bruxelles par la Commission de l’agriculture et du développement rural (Comagri). Invité par le rapporteur Martin Häusling (Allemagne-Greens) sur la demande d’Eric Andrieu, eurodéputé français, rapporteur pour son parti (PS), Etienne Gangneron a fait part de ses réticences de la France face à certaines évolutions de nouveaux textes. Tout d’abord, il s’étonne que les fondamentaux de la bio, comme l’obligation de lien au sol ou l’approche système, ne soient pas repris dans les principes de base. « Tout est orienté pour satisfaire le consommateur, sans tenir compte du modèle agricole à développer», regrette-t-il. La France demande aussi à limiter les actes délégués, qui laissent trop de pouvoir à la Commission (qui a perdu de ses prérogatives par la codécision avec le Parlement), et à insérer le maximum de dispositions techniques dans le texte de base.

Un impératif : conserver la mixité

L’APCA bute aussi sur l’abandon de la mixité, mesure qui provoquerait certainement beaucoup de déconversions : « La mixité est un levier de développement, cette possibilité sécurise la conversion qui peut être progressive, et  certaines exploitations la subissent par manque de débouchés bio sur certaines productions. » Fin 2013, 23 % des entités bio sont mixtes, sachant qu’en lait, elles ne sont que 10 % et qu’en fruits,  cultures pérennes, la mixité  atteint 41 %. Dans ce cas, le renforcement de contrôle est évidemment nécessaire. « Cette position est partagée avec l’ensemble des états membres, et la Commission a, semble-t-il, bien compris le message », indique Etienne Gangneron.
Sur les plans des contrôles, la proposition de la Commission de supprimer le contrôle annuel en le remplaçant par des analyses de risque n’est pas la bienvenue. « Elle est même en contradiction avec la besoin de renforcer la lutte contre les fraudes», souligne Etienne Gangneron. Le maintien d’un contrôle physique par an, plus un contrôle inopiné est donc réclamé. « Il est surtout essentiel d’harmoniser les contrôles, les seuils de contrôles, les méthodes de laboratoire entre tous les organismes certificateurs dans tous les pays. »
Parmi les autres demandes concernant le projet de nouvelle réglementation : garder la possibilité d’utiliser des semences non traitées en cas de non disponibilité en bio, et d’avoir recours au 5 % d’ingrédients conventionnels s’ils ne sont pas disponibles en bio en alimentation animale. Pour l’APCA, la notion de régions dans la provenance des aliments pour animaux doit être remplacée par celle d’Union européenne, « car les interprétations sont très variables selon les états, et cela mène à des distorsions de concurrence », indique le président, pour qui il est important aussi  de « renforcer le développement de la bio à l’échelle européenne. »
C.R-F
 
(1) Plusieurs chambres d’agriculture sont présidées par des agriculteurs en 100 % bio ou en mixité : Cher (Etienne Gangneron, éleveur), Var (Alain Baccino, viticulteur), Gironde (Bernard Artigue, viticulteur), Ariège (François Toulis, éleveur), la chambre régionale de Languedoc-Roussillon (Denis Carretier-viticulteur).
(2)13 des stations expérimentales gérées par l’APCA font des essais bio.