Les 20 ans de l’Agence Bio : un pari réussi, mais des moyens et missions à renforcer

Le 22/10/2021 à 12:07 par La rédaction


Née en novembre 2001, l’Agence Bio fête ses 20 ans d’actions pour le développement et la promotion de l’agriculture bio. Alors que la France devient le premier pays européen en surface bio et le troisième marché mondial, l’Agence voit ses missions renforcées face aux défis du changement d’échelle. Morceaux choisis des interventions.
 

Benoît Canis, producteur-commerçant bio dans le Nord, acteur historique et témoin de la naissance de l’Agence Bio.

À l’occasion de la cérémonie d’anniversaire de l’Agence Bio, le 14 octobre à Paris, Benoît Canis, son premier président, maraîcher bio-commerçant depuis 30 ans dans le Nord, rappelle le contexte de cette création : « C’était un beau pari de rassembler les familles professionnelles agricoles, et leurs élus avec les pouvoirs publics ! » La création de ce GIP – groupement d’intérêt public – « n’est pas dû au hasard », remémore Benoît Canis, très impliqué dans ces décisions à l’époque, en tant que paysan représentant de la Fnab – Fédération de l’agriculture biologique – : cette structure a été imaginée par Alain Riquois, dans son plan pluriannuel de développement de la bio lancé en 1998 sous l’impulsion du ministre de l’Agriculture Louis Le Pensec. Leur objectif, ambitieux était d’atteindre un million d’hectares et 25 000 fermes en 2005. « La bio française perdait du terrain vis-à-vis de l’Allemagne, la demande sociétale se renforçait pour des produits plus sains, plus respectueux de l’environnement. » Et la crise de la vache folle a fait le reste. Si les objectifs quantitatifs ont mis plus de temps que prévu à se réaliser, la trajectoire était lancée.
 
L’implication de tous
Le plan de développement, et la mise en place de l’Agence Bio est « le fruit de nombreuses concertations et de la volonté des ministres successifs, de l’agriculture et à l’écologie, membres fondateurs – Jean Glavani, Dominique Voynet, Yves Cochet », se souvient Benoît Canis. Si en 1998, la bio ne comptait que 120 000 ha, cultivés par 4 000 producteurs, elle était déjà portée depuis trente ans par des pionniers, comme Nature et Progrès et son cahier des charges, puis le logo AB, et la première réglementation européenne en 1991. La mise en place de l’Agence Bio n’a pu se faire que « grâce à l’implication de la recherche, via l’Itab, de la formation avec Formabio, et aussi parce que plusieurs familles professionnelles – Fnab, APCA, Synabio, puis La Coopération agricole –, ont accepté de travailler ensemble », insiste Benoît Canis. D’où une présidence tournante entre les quatre familles, qui alterne tous les deux ans. La singularité de cette structure est d’être basée sur le partenariat et la mixité, « entre bio et non bio, service public et familles agricoles professionnelles, paysans et industriels ». Et la volonté de tous est « de faire progresser la bio dans toutes ses dimensions : surface, qualité, itinéraires techniques, transferts de savoirs, aménités sociales, créations d’emplois, formations, biodiversité, agronomie, qualité de l’eau, stockage du carbone, et aussi aspect économique de prix justes, d’équité et de coopération entre les acteurs », liste le président- fondateur. D’immenses défis.
 
Relever les défis de la bio à court et moyen terme

Philippe Henri, président actuel de l’Agence Bio, polyculteur-éleveur bio en Meurthe-et-Moselle.

Question de fond, le financement de la bio reste au cœur des préoccupations. Philippe Henri, président actuel de l’Agence Bio et polyculteur-éleveur en Meurthe-et-Moselle, interroge :  « Faut-il que les consommateurs, et notamment les jeunes qui se tournent vers la bio et ses valeurs, en assument seuls les coûts ? Nous ferions bien de considérer l’agriculture et l’alimentation comme trop précieuses pour n’être confiées qu’aux seules lois du marché. » Pour Benoit Canis aussi, « Il est temps que reviennent les mesures de soutien aux agriculteurs bio en place, et qu’une partie des cotisations volontaires obligatoires payées par les producteurs bio retournent à l’Agence Bio ».
Philippe Henri, en fin de mandat au titre de la Fnab, estime que « l’Agence Bio doit voir ses moyens humains et financiers renforcés pour remplir ses missions et ses défis à court et moyen termes ». Face aux difficultés de certains marchés actuels, « rien de catastrophique », nuance-t-il, des actions sont à appliquer pour améliorer l’équilibre offre-demande : en plus d’une communication renforcée auprès des consommateurs, une prospective plus pointue est nécessaire, en croisant les données de l’Observatoire de l’Agence Bio : « Cette meilleure efficacité nécessite la collaboration de tous les acteurs », note-t-il. La maîtrise des fluctuations du marché bio « doit aussi les inciter à mettre en place des systèmes de régulation et à systématiser les pratiques de contractualisation déjà nombreuses dans le bio », insiste le président. Pour lui, la bio doit être fer de lance de la loi Egalim 2. « Cela aurait du sens aussi si le logo AB garantissait aux consommateurs une juste répartition de la richesse produite, continue-t-il. Et c’est un chantier que nous sommes prêts à relever. »
 
Les agriculteurs, socle de l’Agence

Laure Verdeau, directrice de l’Agence Bio.

Autre évolution, « l’Agence Bio doit s’ouvrir à de nouveaux acteurs, tout en gardant ses fondamentaux, souligne Philippe Henri. Elle est une interface entre la puissance publique et les acteurs de la bio. Sa gouvernance est fondée sur la richesse des points de vue, et pas sur les rapports de force. Elle brasse toutes les filières, mais son socle reste les agriculteurs. C’est pourquoi ceux-ci doivent rester prépondérants dans sa gouvernance ».
Laure Verdeau, directrice de l’Agence Bio, complète : « On travaille avec l’amont et l’aval, la transition alimentaire est une grande famille ». La structuration de filières est au cœur des missions de l’Agence Bio, et depuis 2008, 150 projets ont été construits, en accompagnant les acteurs de la bio, « et en s’assurant sur le terrain que les projets sont pérennes ». Les 13 millions par an pour 2021 et 2022 alloués grâce au plan de relance financent des projets collectifs destinés à développer la bio de façon cohérente. Et à augmenter les surfaces pour atteindre les objectifs de l’État : 18 % de bio en 2025.
 
« Le bio n’est plus un truc de bobo »
Pour stimuler le marché, « notre mission d’intérêt public est aussi d’expliquer comment manger bio sans se ruiner, dans le cadre d’un budget contraint. La bio n’est plus un truc de bobo », souligne aussi la directrice. Tout le monde s’y met, « et les Français veulent plus de bio ». Les 20 % de bio obligatoire dans les cantines vont doper le marché estimé à 1,4 milliard d’euros par an. Petit bémol : la restauration commerciale est toujours à la traîne avec seulement 2 % de marché du secteur en bio. Le soutien de Guillaume Gomez, ambassadeur de la gastronomie, représentant personnel du président de la République pour la gastronomie, l’alimentation et les arts culinaires, est un bon signe : « Je me ferai votre porte-parole auprès des chefs, assure-t-il. Les jeunes surtout y sont très sensibles, car ils veulent donner un sens à leur métier. On parle maintenant de la terre à la poubelle ».
 
Renforcer l’Agence Bio

Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture, membre de l’Agence Bio aux côtés du ministère de la Transition écologique, et des quatre familles agricoles.

Dans son discours, Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture, confirme son soutien à l’Agence Bio. « Les résultats sont au rendez-vous, notamment avec le doublement des surfaces depuis 2017 », félicite-t-il. Face au constat d’un marché en progression, « l’Agence Bio a un rôle clé et doit être forte, en tant qu’une instance de dialogue où s’exprime une vision partagée des enjeux des filières bio, et un lieu privilégié pour faire émerger des leviers d’actions qui permettent d’y répondre », affirme-t-il. D’ici la fin de l’année, le renouvellement de la convention constitutive du GIP pour cinq ans « sera l’occasion de revoir la gouvernance, en y associant de nouveaux acteurs ». Pour renforcer la pertinence de la connaissance et de l’analyse des marchés – demandées par les professionnels –, la recherche de solutions, et la communication, le ministre annonce aussi pour 2022, une hausse de plus 10 % du budget de l’Agence, actuellement à 3 millions d’euros. De plus, « dans le but de répondre aux difficultés conjoncturelles de certains segments de marché », une subvention complémentaire et exceptionnelle de 200 000 euros sera allouée dès fin octobre 2021, afin de promouvoir le mode de production bio. « Mais l’État ne peut être le seul à agir, insiste le ministre de l’Agriculture. J’invite les filières et les interprofessions à se réunir avec l’Agence pour compléter ces efforts et mener une seule campagne massive de promotion. » Quant au fonds Avenir Bio, « renforcé car pertinent au service de la relocalisation de l’alimentation bio dans les territoires », il pourra être « complété aussi par le plan d’investissement France 2030 tout juste lancé par le président de la République à hauteur de plus de 500 millions d’euros ». Pour Julien Denormandie, les projets bio innovants, comme le biocontrôle, pourront aussi y trouver leur place.
 
C. R-F
 
En savoir + :  toutes les interventions de l’anniversaire de l’Agence Bio du 14 octobre 2021 à revoir sur agencebio.org
 
(photos : captures d’écran des vidéos de l’Agence Bio)