Nouveaux chiffres de la bio pour 2024 : Fermes bio en hausse, surfaces en léger recul, conversions en panne, marché relancé

Le 13/06/2025 à 15:15 par La rédaction

Alors que les surfaces européennes bio progressent en 2024, notamment en Espagne devenue leader tutoyant les 3 millions d’hectares (+11,8 %), la France cède sa place : elle recule pour la seconde année consécutive après de fortes croissances durant plus de dix ans.

Dans un contexte général de repli de la SAU nationale de 0,6 %, la bio française perd 56 197 ha en 2024 – une baisse de 2 % –, « soit 110 000 ha de moins de terres cultivées en bio sur deux ans », pointe Laure Verdeau, directrice de l’Agence Bio, lors de la présentation annuelle de l’évolution des chiffres de la bio le 12 juin, tant attendue par la filière.

Mais bonne nouvelle, avec ses 2,7 millions d’ha, la barre des 10 % des sols cultivés en bio se maintient, « nous restons à 10,1 % de la SAU, contre 10,3 % en 2023 », confirme l’Agence Bio. Le recul reste limité. En troisième position européenne, l’Italie progresse (+4,5 %), ainsi que l’Allemagne (+0,4 %), « grâce à des stratégies volontaristes », précise Laure Verdeau. En France, les conversions sont en panne, et leurs surfaces se rétractent comme peau de chagrin de 8 %, « hypothéquant le réservoir de croissance du bio », alerte l’Agence Bio, dans un contexte de redémarrage du marché bio après deux années difficiles.

Malgré cette baisse des surfaces cultivées, la dynamique de recrutement dans la bio reste positive avec un solde net de producteurs bio de 1 % et 4 431 nouvelles fermes bio. Ainsi 15 % des exploitations françaises sont bio, soit 61 853 fermes. « Cette évolution confirme l’attrait du métier agricole quand il est exercé en bio, et maintient le poids de la bio, un capital national important à préserver », appuie l’Agence Bio. Les nouveaux producteurs engagés en bio le sont en majorité sur de petites surfaces (0-10 ha), seule catégorie à enregistrer une hausse de sa population.

Un marché à 12,2 Md€ en hausse de 0,8 %

D’autant plus que côté consommation, les signes sont encourageants : les dépenses bio des ménages à domicile sont en croissance de 0,8 % en valeur par rapport à 2023, pour un marché situé à 12,2 milliards d’euros. À cela s’ajoutent 826 millions d’euros de débouchés en restauration hors domicile (RHF), « avec une progression décevante, et des leviers à continuer à activer pour atteindre les objectifs d’Egalim », insiste l’Agence Bio, et 1,2 milliard d’euros d’export.

Les circuits de distribution très diversifiés en bio, avec notamment la vente directe à 13,5 % de part de marché (en hausse de 7,4 %), sont la clé de voûte du marché national. « La part dans les achats alimentaires des Français reste stable à 5,6  %, précise Jean Verdier, président de l’Agence Bio. D’où l’efficacité des mesures de soutien à la demande par la consommation mises en œuvre depuis 2022, et qui portent leurs fruits dans tous les circuits de distribution, à l’exception encore de la grande distribution en 2024. »

Les campagnes de communication françaises de 2024, avec BioRéflexe, et de 2025 avec C’est Bio la France sont prometteuses pour la suite. « On espère beaucoup de tous ces leviers pour stimuler tous les circuits, notamment la GMS, insiste Jean Verdier. Nous étions dans la lessiveuse en 2022-2023, et on observe une remontada, grâce notamment aux actions de l’Agence Bio ». Et de citer notamment l’exemple de l’Allemagne, premier marché européen, qui atteint 17 milliards d’euros, en hausse de 5,7 %, avec 7 % de part de marché, creusant l’écart avec la France, en seconde place. Ainsi que le Danemark, avec près de 12 % de part de marché bio.

 

Chute des grandes cultures bio

Mais encore faut-il que l’approvisionnement français suive, notamment en légumes et en céréales. Car la baisse des surfaces bio enregistrée concerne surtout les grandes cultures bio et en conversion, dont la sole dégringole de 12 %, soit une perte de 92 541 ha pour atteindre 651 554 ha dont 49 559 ha encore en conversion : les céréales (-13 %) et les olégineux (-14 %) sont les plus touchés, la baisse n’étant que de 1 % pour les protéagineux.

Département leader en grandes cultures bio, le Gers est le plus affecté (-28 % vs -11 % en 2023), ainsi que l’Yonne (-15 %), la Haute-Garonne (-19 %). Toutes les régions sont concernées : l’Occitanie perd 20 %, la Nouvelle-Aquitaine (-15 %), la Bourgogne-Franche-Comté (-10 %), le Grand Est (- 8 %), etc. La diminution du nombre de fermes est moins forte (-7,5 %), avec l’arrêt de 1 610 exploitations de grandes cultures. En cause, l’abandon de la production de grosses exploitations, issues de mixité, faute d’un marché porteur touché par l’inflation, de prix rémunérateurs l’an dernier et de difficultés liées à une météo compliquée.

Hausse des fruitiers et repli du maraîchage et de la vigne

Cette chute des grandes cultures n’est que partiellement compensée par deux productions : la hausse des surfaces toujours en herbe (+77 118 ha, soit +8 %), principalement des estives et prairies privées et la forte hausse en plantes à parfum, aromatiques et médicinales (+9 988 ha, soit +58 %), opportuniste pour la coriandre en raison d’aides Pac très attractives. Les surfaces de fruits bio se stabilisent à 66 386 ha (+0,3%) après une baisse entre 2022 et 2023 (-1,6 %).

Alors que le marché des légumes bio progresse de 9 % en valeur, surtout via les circuits spécialisés et la vente directe, les surfaces qui leur sont consacrées régressent. Elles perdent 3 681 ha (-8 %), avec de forts reculs en Bourgogne-Franche-Comté (-17 %), en Nouvelle-Aquitaine (-15 %), Normandie (-15 %) et dans l’ensemble des Drom (sauf la Guyane). Pour la première année, les surfaces de vignes diminuent de 6 724 ha (-4 %) principalement en Nouvelle-Aquitaine (-13 %), en Occitanie (-6 %) et en Corse (-5 %), dans un marché toujours en progression de 8 % en 2024.

Les filières animales en recul sauf en brebis laitières

Face à des ventes de viande bio en berne, diminuant de 6 %, (contre -9 % entre 2022 et 2023), notamment en bovin (-5,2 %) et porc (-1,1 %), le cheptel français bio décroît pour la deuxième année consécutive. Pourtant le nombre d’éleveurs en bio est en légère hausse (+0,3%) cachant de fortes disparités en fonction des filières. Il baisse en porcs (-10 %) et truies (-6 %).

Idem en poulets de chair avec une chute de 13 % d’éleveurs : cette production est très impactée, provoquant des descentes en gamme, de bio vers les autres Siqo, voire des arrêts d’activité. « D’après les données du Synalaf, les filières organisées avicoles se stabilisent en 2024 » , note l’Agence Bio. La filière vache laitière, qui compte 24 % des éleveurs bio, est également touchée avec un recul de 5 % du nombre de producteurs.

Les conversions se réduisent en nombre de têtes (-6 % en UGB). Cette tendance touche l’ensemble des filières sauf les chèvres, mais de façon plus marquée en brebis viande (-18 % des cheptels en conversion) et brebis laitières (-16 %). Les crises sanitaires en élevage – fièvre catarrhale ovine, maladie hémorragique épizootique – ont certainement amplifié les baisses.

Une souveraineté alimentaire au top

Autre baisse, celui du nombre d'entreprises de l’aval bio – transformateurs, distributeurs… –, maillon indispensable entre le champ et l’assiette. Elles passent de 26 276 à 25 105 (-4,5 % 2024 vs 2023), en recul de 3 % chaque année depuis 2022. Seul le nombre de stockeurs augmente, de +13 %, dans le but de structurer et de valoriser au mieux la filière grandes cultures. À l’inverse, les artisans-commerçants baissent de -6 % comme les restaurateurs traiteurs (-6 %), et les entreprises de transformation (-4 %).

« D’où la nécessité de continuer à soutenir les constructions des filières pour optimiser leurs valorisations, avec le soutien du Fonds Avenir Bio », plaide Jean Verdier. Et d’insister sur la souveraineté alimentaire qu’offre la bio sur tous les plans, avec 71 % du bio consommé en France et 84 % en hausse de 2 %, en excluant les produits exotiques non produits en France. Les importations sont stables à 2,35 Md€, et les exportations augmentent de 10 %. « Grâce au règlement européen bio, qui exclut les engrais de synthèse, et l’obligation de nourrir les animaux d’élevage avec de l’aliment local entre 30 % et 70 % selon les espèces en limitant le recours aux importations, la bio est un atout pour la souveraineté alimentaire. » Tout comme pour le bilan carbone.

 

Christine Rivry

 

En savoir + : agencebio.org + le livret des chiffres 2024 de l’Agence Bio