Mobilisons toutes les forces vives !

Le 27/11/2023 à 12:32 par La rédaction


[Édito du Biofil n°150 – novembre-décembre 2023].

Et pourtant, les bienfaits de l’agriculture et alimentation bio sont archi-connus. Rien que pour la qualité de l’eau, base du vivant, personne ne peut le nier. « Il y a des Pfas (1) et des métabolites partout », écrivait fin octobre dans un mail suscitant la polémique, Didier Jaffre, directeur de l’Agence régionale de santé – ARS – d’Occitanie. Ce, en déconseillant de consommer de l’eau du robinet. S’il a dû se rétracter, c’est que le sujet est hautement sensible.
Déjà, en 2022, lors du 19e congrès d’Ifoam à Bordeaux, le directeur de l’Agence de l’eau Adour Garonne pointait la pollution de 35 % des nappes phréatiques et de 40 % des rivières dans le grand Sud-Ouest (lire Biofil 142). Les taux de pesticides et de nitrates grimpent en flèche, de plus en plus concentrés en raison de la réduction des débits liés aux sécheresses successives. « Il faut accélérer les actions, insistait-il. Ne pas le faire, c’est mettre en danger les populations, et les agriculteurs. Dans dix ans, ce sera irréversible. »
Parue en novembre 2023, l’enquête de Que Choisir en remet une couche avec une analyse comparative de plus de 4 000 échantillons sur 18 espèces de fruits et légumes : sur ceux en bio, locaux ou importés, les traces de résidus de pesticides sont très réduites, malgré les risques de contaminations croisées toujours présentes hélas. Exemple, en bananes, les contaminations sont de 4 % en bio contre 68 % en conventionnel françaises. En tomates, elles sont nulles en bio, contre 34 % en culture classique métropolitaine.
Si aujourd’hui, le contexte inflationniste et les budgets contraints détournent les consommateurs de la bio, n’est-ce pas mettre les citoyens et l’environnement en danger que de laisser faire le marché et certains distributeurs avec des marges déraisonnables, alors que les prix à la production baissent ? Le ministère actuel de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire porte une très lourde responsabilité sociétale, s’il se défausse, sans mesurer les enjeux à leur juste valeur.
Les plus de 60 500 fermes bio françaises ont besoin d’un soutien fort et courageux pour traverser ces difficultés. Ce, au risque de perdre tous les avantages de ce mode de production – couvrant près de 11 % de la surface agricole utile – sur la santé des sols, de l’eau, de la biodiversité, des tissus économiques locaux, de la fierté retrouvée à cultiver sans polluer. Sans oublier les filières construites avec conviction, les fournisseurs en amont, et les 28 500 acteurs de l’aval.
Le soutien de l’État est indispensable. La bio est la locomotive de la transition écologique, mais elle a besoin d’énergie pour tirer les wagons. La demande d’une aide de 270 millions d’euros, possible par transfert des fonds destinés à la conversion, doit être acceptée pour donner un message positif à l’ensemble de la filière. La mobilisation de toutes les forces vives du secteur est attendue, dont la recherche et l’expérimentation, – de façon efficace – pour donner aux producteurs bio les moyens technico-économiques d’être performants et durables.

 

Christine Rivry-Fournier

 

(1) Pfas : perfluorés et polyfluoroalkylés, composés chimiques nocifs pour la santé, contenus dans 37 substances actives autorisées en Europe, donc 30 utilisées dans les pesticides en France.