La bio en plein chamboule-tout !

Le 08/07/2025 à 9:09 par Christine Rivry-Fournier

[Édito du Biofil n°159 – mai - juin 2025].

Quel monde voulons-nous construire et léguer à nos enfants ? Voilà LA question essentielle, simplissime ! Le monde agricole devrait se la poser, et chaque consommateur aussi. Bref tous les citoyens. Car des solutions existent pour ne pas saccager la planète, l’environnement, l’eau, les sols et la santé des êtres vivants. Et pour vivre décemment de l’agriculture. Alors pourquoi cette nouvelle partie de chambouletout lancée avec la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », assortie notamment – comme par hasard – de la remise en cause de l’Agence Bio, dont le budget est raboté ?
Surtout ne pas opposer les agricultures, tel est le leitmotiv de l’État, et du ministère de l’Agriculture et la Souveraineté Alimentaire. Pourtant, n’est-ce pas ce que ces élus actuellement aux manettes font, en essayant d’invisibiliser l’agriculture bio, qui vient de fêter les 40 ans du label AB ? Même si ces années de construction de cahiers des charges bio exigeants et de filières n’ont pas été un long fleuve tranquille, avec ses hauts et ses bas, nombreux sont les ministres de l’Agriculture successifs à avoir soutenu ces défis. Leur but : promouvoir la bio comme propulseur d’une agriculture respectueuse de la planète, des animaux et des humains.
Les travaux scientifiques abondent, prouvant l’intérêt de la bio, à tous les niveaux. Biofil s’en fait l’écho depuis 1998, témoin de l’essor d’un système agri-alimentaire innovant, prometteur et générateur d’espoir. Une étude, sortie en mai 2025, de l’Inrae et de l’Ifremer l’assure une nouvelle fois : l’analyse de l’impact sur la biodiversité de multiples labels et de leurs cahiers des charges atteste l’effet positif du mode de production bio – règlement européen bio, Demeter et Nature et Progrès – « car ce sont ceux qui intègrent le plus de pratiques identifiées comme favorables, de manière exigeante et ambitieuse », conclut ce travail.
Ne pas confondre contraintes et exigences… La bio teste la possibilité d’une agriculture nourricière, généreuse, garante de la souveraineté alimentaire, mais aussi de l’épanouissement de ses acteurs – producteurs-trices, fournisseurs, transformateurs, distributeurs, cuisiniers, habitants. Pour des métiers de bouche, du champ à l’assiette, vraiment valorisants, répondant aux défis sociétaux et climatiques. Mais faut-il menacer pour se faire entendre ? Hélas, la nature s’en charge !
Plutôt que de limer les moyens alloués à la bio, au risque de décourager tous ceux qui se sont investis en France – plus de 87 500 opérateurs, dont 61 000 producteurs, 15 % des fermes françaises – et ceux désireux de se lancer en reprenant des fermes bio – ils sont nombreux –, l’État doit prendre ses responsabilités. Ne pas opposer les agricultures, c’est inciter tous les agriculteurstrices à produire sans tuer la biodiversité, la ressource en eau si précieuse, et le sens de ce métier nourricier. Pour assurer un revenu correct aux travailleurs de la terre, indispensable au renouvellement des générations – la question de fond en réalité –, rémunérer les services rendus à la société est crucial : c’est là qu’il faut mobiliser toutes les énergies.

 

Christine Rivry