Commerce équitable : les filières bio en premières lignes

Le 16/05/2025 à 13:11 par La rédaction

Du 10 au 25 mai, la quinzaine du commerce équitable se déploie dans toute la France, sur le thème « Du commerce oui, mais pas à tout prix » . Cette 25e édition réaffirme son soutien à une économie plus juste et plus rémunératrice pour les agriculteurs, démarche que la bio ne cesse de porter.

Selon l’Observatoire du commerce équitable, 80 % des références issues du commerce équitable sont certifiées bio. Et 10 % des ventes de produits bio en France sont labellisées commerce équitable. En 2023, sur les 2,118 Md€ de CA du commerce équitable en France, en hausse de 1,8 % vs l’année précédente, 72 % des ventes de produits internationaux sont bio, et 46 % des produits issus de filières françaises le sont aussi. Et la démarche se développe.

La gamme des produits bio équitables s’élargit.

 

Une juste rémunération essentielle à des filières durables

Christelle Garnier, vice-présidente de Bio Equitable en France. (@C. Garnier)

« Après le coup de mou dû à l’inflation ces deux dernières années, la demande bio repart, et celle des produits bio issus du commerce équitable aussi, notamment via les appels d’offres de la restauration collective publique », se réjouit Christelle Garnier, vice-présidente de Bio Equitable en France, un des labels les plus engagés, avec 850 produits, issus de 5 000 fermes organisées en 43 groupements solidaires très diversifiés, des transformateurs et des marques. Installée en bio depuis 2007 dans l’Yonne, cette productrice de grandes cultures sur 220 hectares, défend les valeurs de ce label auquel adhère sa coopérative, Cocebi. « La juste rémunération des producteurs, et l’engagement pluriannuel bipartite ou tripartite sont essentiels pour le maintien de l’agriculture à taille humaine, affirme Christelle Garnier. Les marques doivent s’en saisir pour construire des filières labellisées, solides et durables, et communiquer auprès des consommateurs. »

Calcul des coûts de production

Créé en 2020, en plein confinement, porté au départ par Biocoop, Bio Equitable en France représente 17 % des ventes du commerce équitable français. « Le calcul des coûts de production mutualisés n’est pas évident, reconnaît Christelle Garnier. Au sein de notre groupement, nous avons beaucoup travaillé sur la méthode, avec l’objectif de deux smics pour le producteur. » Mais face à la crise liée à l’inflation, et la volonté d’offrir une bio accessible aux consommateurs, « difficile de répercuter tous nos coûts sur la chaîne d’approvisionnement ».

Sensibiliser les marques

Les aléas climatiques de 2024, divisant quasi par deux les volumes de la Cocebi, de 40 000 t à 20 000 t, « ont mis à mal notre maîtrise des coûts, avec des hausses compliquées à répercuter » . Une année noire. Si tous les adhérents de Cocebi respectent le cahier des charges Bio Equitable en France, les volumes valorisés avec le label restent trop minoritaires : « Et nos prix sont lissés, parfois en deçà de l’objectif, mais il faut se mobiliser, sensibiliser d’autres marques, et déployer le label partout, pour soutenir la production bio ».

Amortir les chutes de prix

À Corbas près de Lyon, Jean-Charles Jocteur cultive 180 hectares de grandes cultures, en bio depuis 2009. Pendant le covid, sous l’impulsion de Julien-Boris Pelletier, directeur général de Maison Marion basé à Saint-Jean-sur-Veyle dans l’Ain et de Pains de Belledonne, il se lance dans une démarche bio équitable. « L’association Graines Bio Marion regroupe 12 producteurs, de profils très diversifiés et éloignés géographiquement, ce qui est très enrichissant », explique le producteur. Une filière blé tendre est créée, labellisée Biopartenaire, avec équivalence Bio Equitable en France. « Nous fixons un prix minimum garanti, revu tous les trois ans, et aujourd’hui, il est à 420 €/t pour les campagnes 2025-2027, en hausse de 20 € par rapport au dernier contrat, détaille-t-il. Cela nous a aidés à amortir la chute des prix de l’an dernier. » Jean-Charles Jocteur livre 60 t de blé meunier par an, la moitié de sa production, sur les 2 000 t environ collectées pour cette filière par Moulin Marion.

Jean-Charles Jocteur, dont la moitié de la production de blé tendre bio est labellisée commerce équitable. (© Métropole de Lyon)

Une prime collective améliorante

« En plus de ces garanties, l’association récolte la prime collective de 1 % du chiffre d’affaires sur les farines transformées par trois clients pour l’instant, et nous les utilisons pour améliorer nos conditions de travail. » Cette somme a été investie pour la sécurité des producteurs (harnais pour le travail en silos par exemple) et la protection contre la poussière (masques anti-poussière), car la majorité des adhérents stockent à la ferme. « Cette année, on opte pour une IA d’analyse de photos sur téléphones portables pour mesurer le taux d’humidité, PS, et taux protéines des blés. Le but est d’aider les producteurs à mieux trier les lots de blés. »

Une nouvelle filière blé dur et pâtes

Pour Jean-Charles Jocteur, cette réflexion collective d’innovation et d’investissement est un vrai bonus à cette démarche de commerce équitable. « Le problème est que tous les volumes de blé produits par l’association ne sont pas encore valorisés en filière équitable », regrette le producteur. Chez Moulin Marion, sur les 6 000 t de blé tendre transformés, 2 000 t sont labellisées commerce équitable, avec des débouchés pour seulement 200 t. Néanmoins, cette démarche est encouragée et se déploie : en plus de la filière courge, Moulin Marion vient de lancer une nouvelle filière pâtes bio Equitable en France, avec le fournisseur de blé dur La Drômoise de céréales, le transformateur Ekibio et Biocoop.

Pour un approvisionnement stable et durable

« On a contractualisé 400 tonnes cette année, et on vise 600-700 t pour 2025, avec un volume et un prix minimum », précise Julien-Boris Pelletier. Un appel est lancé aux transformateurs secondaires, et les réseaux de distribution, qui peinent à s’engager sur ces filières équitables, à cause d’un risque de surcoût : «Pourtant cet investissement garantit un approvisionnement durable, de qualité, stable, sans à-coups de prix, et le consommateur quand il est conscient des enjeux, soutient la démarche et reste fidèle à ces produits », assure Julien-Boris Pelletier.

 

Christine Rivry