Entre optimisme et pessimisme...

Le 20/11/2025 à 9:30 par La rédaction

 [Édito du Biofil n°162 – Novembre - Décembre 2025]

« Fiers d’être bio mais inquiets pour l’avenir », résume l’Agence Bio en présentant son 2e baromètre du moral des agriculteurs et agricultrices bio (1). Ces résultats, dévoilés lors de la 10e édition du salon Tech&Bio, révèlent leur profond attachement à ce mode de production : 93 % des producteurs-trices bio se disent fiers d’être en bio, 82 % satisfaits de leur choix répondant à des enjeux environnementaux et sanitaires cruciaux. Et 86 % déclarent que la bio contribue à leur bonheur et bien-être personnel. Elle donne un sens à leur métier, malgré un contexte économique et climatique difficile.

Si 29 % d’entre eux demeurent très optimistes face à l’avenir, 38 % sont pessimistes, et le reste ni l’un, ni l’autre. À noter qu’en conventionnel, la situation est pire, avec 40 % d’agriculteurs pessimistes, en hausse. En bio, c’est côté revenus que le bât blesse : 57 % se disent insatisfaits. Pourtant, 37 % des agriculteurs-trices bio sont des engagés confiants ou des proactifs tournés vers l’avenir. Mais 34 % sont contrariés : des convaincus frustrés de l’évolution du marché et des perspectives. Le reste, 28 %, sont des inquiets désenchantés ou des déçus désengagés, malgré leur motivation sur les enjeux de santé humaine et environnementale. Ce sont eux qui semblent renoncer.

Selon cette enquête, près d’un tiers des agriculteurs bio comptent néanmoins augmenter leur surface ou cheptel bio. Une stabilisation est envisagée par 53 % des producteurs-trices. En revanche, 16 % pensent réduire (8 %) ou arrêter (8 %). Parmi les freins recensés chez ceux qui hésitent à agrandir ou abandonnent : la charge de travail, une rentabilité trop faible, l’arrêt des aides au maintien… et le manque de structuration et d’appui de la filière. Et aussi, l’insuffisance de soutien politique, l’érosion de confiance dans les décisions nationales et européennes, le recul des consommateurs, avec la pression grandissante du changement climatique.

D’où le besoin affirmé de reconnaissance : une communication renforcée sur le label bio, ses garanties et avantages, et une juste rémunération pour leurs produits et les services qu’ils rendent à la société. Pour éviter le gâchis ! Les surfaces régressent depuis deux ans, et pour la première fois, le nombre de fermes engagées en bio diminue, affichant plus d’arrêts que d’installations ou de conversions depuis janvier 2025, avec un solde négatif de -165 producteurs en août 2025. Le manque de visibilité et de valorisation officielle et soutenue de la bio entame sa capacité à rebondir.

Pourtant le marché bio repart, avec une hausse de +4,1 % de la consommation à domicile en chiffre d’affaires au premier semestre 2025, qui semble se confirmer en fin d’année, notamment en magasins spécialisés et vente directe, et même en grande distribution. Le grand risque actuellement est de réduire la capacité de production, alors que le marché reprend des couleurs... Et de laisser les importations augmenter. Bref, de perdre en souveraineté alimentaire, si chèrement acquise en bio au fil des années. La période est stratégique pour ce mode d’agriculture, protecteur de la qualité de l’eau, des sols, de la biodiversité, de l’air, donc de la santé de l’environnement et des humains.

Même si de nombreux défis techniques persistent, comme le biocontrôle, dossier traité dans ce nouveau numéro de Biofil, la bio ne doit rien lâcher. L’enquête de l’Agence Bio le prouve : les agriculteurs et les agricultrices bio sont fiers de leurs choix, pour eux et la société, mais dépités de ne pas se sentir assez soutenus.

 

Christine Rivry

(1) Enquête menée en avril-mai 2025 auprès de 3 807 agriculteurs-trices bio, comparée à celle de 2023. Agencebio.org