[Édito du Biofil n°161 – Septembre - Octobre 2025]
Après la pause estivale, souvent trop courte pour le monde agricole qui jongle entre les récoltes d’été, les premiers semis, les exigences de l’élevage, la rentrée 2025 déborde d’incertitudes… mais elle offre de multiples occasions de recharger ses batteries d’énergies renouvelables ! Les salons professionnels se succèdent : Tech Ovin, Innovagri début septembre suivis du Space, de Tech&Bio, du Sommet de l’Élevage… Autant de rendez-vous privilégiés pour afficher les atouts et les ambitions de la bio, et conforter les liens entre les acteurs de la filière, de l’amont à l’aval.
Si la reprise de la consommation bio n’est pas encore estimée suffisante pour relancer la croissance, des signes positifs sont encourageants en magasins spécialisés, ainsi que dans certaines enseignes de grande distribution, à l’affût des tendances. Mais face aux contextes géopolitiques, économiques et climatiques instables et chaotiques, les filières bio sont plus que jamais fragilisées, malmenées, à la croisée des chemins. Elles ont besoin de boussole fiable, de soutiens publics et privés, et de l’appui indispensable des citoyens.
Chaque maillon de la filière bio est essentiel et interdépendant – fournisseur de matériels et d’intrants, semencier, conseiller, chercheur, transformateur, distributeur –, mais l’agricultrice et l’agriculteur en sont le coeur, le fer de lance. Sans eux, pas d’alimentation bio, respectueuse de l’environnement et de la santé, laissant la porte ouverte à des pollutions et des abus de toutes sortes. Hélas, la lutte contre la détérioration de la qualité de l’eau, des sols et la perte de la biodiversité recule, et la pression des lobbies anti-bio redouble après s’être atténuée pendant quelques années. La loi Duplomb le prouve, même retoquée sur l’acétamipride.
Pour y voir plus clair sur les pistes d’avenir de la bio dans les 20 ans à venir, le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a commandé en 2023 une étude prospective exploratoire aux bureaux d’études Ceresco et Crédoc. Achevée en avril 2025, mais diffusée qu’en août 2025 (1), elle présente quatre scénarios d’anticipation pour 2040, volontairement contrastés. Trois d’entre eux mettent en avant le déploiement plus ou moins avancé des pratiques bio. Entre disparition du label et du cahier des charges (1er scénario), marginalisation de la bio au profit d’une troisième voie (2e), un standard bio allégé pour plus de compétitivité (3e), et une bio prédominante (4e), l’étude questionne et interpelle.
Les conclusions sont sans appel : sans une volonté claire et stable de l’État à soutenir ce mode production – moteur de l’agriculture française, européenne et mondiale –, la production bio risque de se marginaliser, voire de disparaître. Ce, alors que les aléas climatiques, les pollutions de toutes sortes et les problèmes de santé rendent les citoyens-consommateurs de plus en plus sensibles aux enjeux environnementaux. Dans ce contexte, tous les opérateurs des filières bio doivent se mobiliser autour des agriculteurs et agricultrices. Et de regarder ensemble la réalité en face pour réagir et convaincre à sauver ce mode de production. L’urgence est absolue : tous les acteurs, publics comme privés, doivent se saisir de ces études pour mieux accompagner l’avenir de la bio : c’est le chantier de la rentrée, et Biofil continue à témoigner de l’ampleur du travail déjà accompli.
Christine Rivry
(1) « Une prospective à 2040 pour l’agriculture biologique française » – agriculture.gouv.fr