Soutien aux surfaces bio : incertitude sur les aides au maintien

Le 02/06/2014 à 13:18 par La rédaction


Lors du lancement du Printemps Bio, le 28 mai à la Villette, les familles professionnelles ont exprimé leur inquiétude quant à la pérennité des aides au maintien dans les Régions. À l’écoute, Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie, et Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, ont réaffirmé leur soutien à la bio.

Autour de Ségolène Royal et Stéphane Le Foll, Stéphanie Pageot, présidente de la Fnab, Jacques Martial, président du Parc et de la Grande Halle de la Villette, Etienne Gangneron, président de l'Agence Bio et Elisabeth Mercier, directrice de l'Agence Bio
Autour de Ségolène Royal et Stéphane Le Foll, Stéphanie Pageot, présidente de la Fnab, Jacques Martial, président du Parc et de la Grande Halle de la Villette, Etienne Gangneron, président de l'Agence Bio et Elisabeth Mercier, directrice de l'Agence Bio

Alors que le rythme des conversions s’était ralenti ces deux dernières années, les quatre premiers mois de 2014 affichent une tendance à la reprise, avec 39 000 ha et 1 057 producteurs engagés supplémentaires, pour une surface totale bio et conversion de 1,1 millions d’hectares. La France confirme ainsi sa 3e place des pays bio dans l’Union européenne après l’Espagne et l’Italie, devant l’Allemagne.

Une construction sans rupture

« Cette évolution de la bio à la française assure une croissance sans rupture, qui prend son temps pour construire durablement les filières et répondre à la demande des consommateurs », commente Étienne Gangneron, président de l’Agence Bio au titre de l’APCA. Cet intérêt qu’ont les consommateurs nous encourage à poursuivre nos efforts. » En France, le dispositif d’aides, constant depuis 15 ans, assure une visibilité qui stimule le changement des pratiques. « Toute la profession se mobilise pour relancer les conversions ralenties par un manque de visibilité lié à la mise en place de la nouvelle Pac », poursuit le président. En effet, la période de transition entre l’ancien et le nouveau dispositif de la Pac pour des engagements en 2014 est plus rassurante, et favorise la reprise des conversions.
Pourtant une ombre plane sur l’avenir de la bio : « Si le plan Ambition Bio 2017 conforte ce soutien à la bio grâce à une série de mesures positives, la situation reste préoccupante quant à la pérennité des aides au maintien », s’inquiète Étienne Gangneron. Ces aides au maintien, obtenues en 2010, constituent un soutien indispensable aux producteurs qui prennent des risques pour leurs rémunérations, car pionniers sur des pratiques poussées de protection de l’environnement et de la santé. « Il serait incongru qu’il y ait une rupture dans la dynamique de la bio, en créant des discriminations entre producteurs et entre régions. »

Aide au maintien : mobilisation conjointe de la Fnab, l’APCA et Coop de France

Cette inquiétude sur l’avenir des aides au maintien a fait l’objet d’un courrier commun signé par la Fnab, l’APCA et Coop de France, adressé fin avril au ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, et au président de l’Association des régions de France, Alain Rousset.
Rappelons que dans la nouvelle Pac 2014-2020, les aides à la conversion et au maintien à la bio émanent à nouveau du 2e pilier (Fonds européen agricole pour le développement rural-Feader), désormais géré par les Conseils régionaux suite à la loi sur la régionalisation. L’Etat élabore un cadre national pour leurs mises en place, mais les affectations dépendent des programmes de développement ruraux (PDR) de chaque région, approuvés directement par Bruxelles.
Si les aides à la conversion sont acquises sur tout le territoire national, avec des montants globalement majorés par rapport aux aides précédentes, il n’en est rien pour les aides au maintien. Certaines régions seraient favorables à leur mise en place pour tous au moins sur 5 ans (Pays-de-la-Loire, Alsace, Nord Pas-de-Calais, Franche-Comté, Poitou-Charentes, Ile-de-France, Haute-Normandie), les autres cherchant à en limiter la charge financière : elles en ont la possibilité conformément aux mesures « de priorisation et de ciblage » accordées par le ministère de l’Agriculture. Si les Régions le souhaitent, les aides au maintien peuvent ainsi être réduites en durée (5 ans), en zonage (captage, biodiversité) ou selon le type de démarche (collectif dans le cadre de GIEE-groupement d'intérêt économique et écologique- ou par filière dans une logique de structuration).

La balle dans le camp des Régions

« Les régions sont confrontées à des choix budgétaires, surtout celles où les producteurs bio sont nombreux, d’autant plus que dans le précédent dispositif, tous les producteurs n’avaient pas opté pour l’aide au maintien, explique Stéphanie Pageot, présidente de la Fnab. Mais le ministre de l’Agriculture s’est engagé sur 160 millions d’euros par an pour les aides bio. Aujourd’hui, c’est une enveloppe minimale indispensable pour pérenniser les fermes bio et les emplois générés et ce, sans limitation de durée… Réduire l’aide à 5 ans après la conversion risque de créer des distorsions de concurrence et provoquer des déconversions. »
Ces 160 millions d’euros par an en moyenne dédiés à la bio (émanant des crédits européens et du ministère) représente une avancée certaine puisque l’ensemble des aides versées en faveur de l’agriculture biologique s’est monté, en 2011 (année de forte poussée des conversions), à 87 millions d’euros. Or l’enveloppe promise ne semble pas être atteinte dans le prévisionnel de répartition des crédits d’état aux Conseils régionaux. De plus, la plupart des Régions n’affichent pas clairement, dans leurs projets PDRR, les montants Feader correspondants aux crédits Etat attribués à chaque région pour financer les mesures agriculture biologique, soit 75 % de l’enveloppe totale induite. « Certains Conseils régionaux refusent même de préciser le montant dédié à la bio au sein des mesures « agro écologiques », afin, disent-ils, d’être en mesure de gérer leur évolution en cours de programmation », s’inquiètent les représentants de la bio.
Le succès que pourrait rencontrer les MAEC « système », moins aboutis que la bio, peuvent justifier ces positions régionales. « Il faudrait plafonner ces MAEC - qui doivent, comme l’a stipulé le plan Ambition Bio, bénéficier de rémunération inférieure à la bio, car favorisant des démarches environnementales moins abouties. Ce plafond donnerait des marges de manœuvre aux Régions. Il serait opportun aussi de plafonner également les aides à la bio, sur tout l’Hexagone, pour éviter les effets d’aubaine », suggèrent certains professionnels. La situation est complexe : chaque région effectue ses choix, et la bio n’est pas forcément une priorité.

Les deux ministres à l’écoute

Les deux ministres attentifs à l'inquiétude des professionnels bio.
Les deux ministres attentifs à l'inquiétude des professionnels bio.

Invités à la Grande Tablée organisée pour le lancement du Printemps bio, Ségolène Royal et Stéphance Le Foll ont salué le dynamisme des filières bio. « La participation de l’Etat et des Régions est primordiale pour développer cette filière d’avenir importante pour la transition écologique », a souligné Ségolène Royal. Souhaitant une montée en puissance de l’action en faveur de la bio des Agences de l’eau, elle a annoncé que l'agriculture biologique serait représentée à part entière dans les comités de bassin. Ensuite, Stéphane Le Foll a confirmé les engagements forts du Gouvernement dans le cadre du plan Ambition Bio 2017. Le Ministre a également tenu à souligner la forte implication de l’enseignement agricole très présent lors de cette journée, et insisté sur le fait que le nombre de fermes bio des lycées agricoles publics était passé de 36 en 2007 à 125 en 2014.
Concernant les aides au maintien à la bio, il a proposé qu’un accord puisse être passé avec les Régions dans le cadre du Printemps des Territoires qui se tient le 3 juin au Sénat. Quand aux familles professionnelles bio, elles se mobilisent dans toutes les Régions pour trouver des solutions.

Christine Rivry-Fournier