Label HVE : le Conseil d’État saisi pour tromperie

Le 30/01/2023 à 12:51 par La rédaction


Parmi les multiples labels susceptibles d’aiguiller – ou de brouiller, c’est selon - le choix des consommateurs, le HVE – Haute valeur environnementale– est mis sur la sellette. Un collectif de sept associations environnementales a saisi le Conseil d’État pour l’interdire.

 

Créé en 2011, le HVE monte en puissance, avec près de 30 000 exploitations labellisées fin juillet 2022. Troisième échelon de la certification environnementale du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, il est surtout adopté en viticulture qui concentre 70 % des certifications, le reste réparti en grandes cultures, arboriculture, et élevage principalement.

Pour les filières bio, ce label, même sous sa nouvelle mouture en vigueur depuis le 1er  janvier 2023, est mensonger, et dupe les consommateurs, en mettant en avant une excellence environnementale non réelle et non prouvée.

Mettre un terme au greenwashing

Un collectif d’associations (1), dont la Fnab – Fédération nationale de l’agriculture bio – et le Synabio – syndicat national des entreprises de l’agroalimentaire bio –, a saisi le Conseil d’État pour faire reconnaître cette tromperie.

« Celle-ci dure depuis plus de dix ans, il est temps de mettre un terme au greenwashing entretenu par cette mention », affirme le collectif dans son communiqué diffusé le 23 janvier. Alors que la bio rencontre des difficultés avec un marché en recul, cette initiative essuie des virulentes critiques. D’aucuns accusent les bio de trouver un bouc émissaire à leur décroissance.

Pourtant, cette montée au créneau contre les fausses promesses de la HVE n’est pas nouvelle. Le rapport de la Cour des comptes de juin 2022 a pointé toutes ces faiblesses. La France a dû revoir sa copie, dans la négociation de la Pac, s’engageant à faire évoluer le cahier des charges HVE pour l’accès à l’écorégime. Et la bio, afin de démarquer ses performances, a obtenu la création d’un niveau 3, avec 30 euros/ha supplémentaires.

Pour pallier son insuffisance reconnue en matière environnementale, le référentiel HVE a donc été révisé, basé sur un système de points, en vigueur depuis le 1 er  janvier 2023. Celui-ci limite notamment l’usage des produits phytosanitaires cancérigènes-mutagènes et toxiques pour la reproduction CMR classe 1 (interdits sauf dérogations exceptionnelles), et une partie des CMR 2.

Des intrants chimiques CMR autorisés

Pour le collectif, cette tromperie est grave : une exploitation peut afficher cette certification alors même qu’elle a eu recours à ces produits toxiques ! « L’utilisation d’intrants chimiques comme des engrais et pesticides de synthèse particulièrement néfastes pour l’environnement ou pour la santé humaine reste autorisée », dénonce-t-il.

De plus, la phase de transition perdure jusqu’au 1er  janvier 2026, avec des exploitations HVE, selon leur date d’engagement, qui pourront conserver l’ancien référentiel plus souple  ! « De toute façon, même révisé, la possibilité d’autoriser les intrants de synthèse considérés comme dangereux pour l’environnement et la santé s’oppose à sa crédibilité », insiste Philippe Camburet, agriculteur bio et président de la Fnab. En s’affichant comme protecteur de l’environnement, le HVE est considéré comme une concurrence déloyale pour la bio.

« Ainsi, des aliments ayant été produits avec des substances perturbatrices du système endocrinien, pouvant être cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques possibles ou des produits polluants des eaux, ou ayant des effets délétères pour la biodiversité restent autorisés. Plutôt étrange pour une mention qui prétend être de Haute Valeur Environnementale », s’insurge le collectif.

Une analyse juridique à l’appui

La saisine auprès du Conseil d’État se base sur une analyse juridique montrant que le label HVE représente une tromperie du consommateur dans la mesure où la promesse d’excellence environnementale sous-entendue par le nom du label et exigée dans la loi n’est toujours pas remplie par le nouveau référentiel.

« La HVE n’a jamais eu comme réelle finalité d’avoir une performance environnementale élevée. Si cela avait été le cas, le référentiel aurait été bien plus ambitieux. Il aurait pu amener a minima les agriculteurs à réfléchir à leurs pratiques avec l’espoir de les faire changer. Le problème c’est qu’en l'état actuel, et alors qu’il est de plus en plus apposé sur les produits, il n’est qu’un label trompeur pour les consommateurs et les citoyens en général qui y voient, par méconnaissance, un modèle agricole ayant un impact positif pour l’environnement. L’enjeu de notre recours collectif est de démontrer que malheureusement c’est loin d’être le cas et qu’il n’est pas acceptable de faire perdurer un tel mensonge », déclarent les requérants.

L’agriculture bio, un modèle de haute performance environnementale

Pour le collectif, il existe un modèle, certes perfectible, mais qui a l'une des plus hautes performances environnementales : l'agriculture biologique . « Tout soutien de l’État à des allégations commerciales mensongères qui brouillent la perception du consommateur doit cesser immédiatement. »

L’enquête d’Interfel, réalisée en 2022 sur les fruits et légumes montrent que 55 % des personnes interrogées croient que le label HVE est soumis à un cahier des charges strict, 48 % que les fruits et légumes HVE sont strictement contrôlés et 44 % qu’on peut faire 100 % confiance aux fruits et légumes HVE. « Ces chiffres sont bien la preuve que le consommateur est dupé par la mention même, cela doit donc cesser au plus vite », conclut le collectif.

 

(1) Fnab, Synabio, Bio consom'acteurs, Réseau Environnement Santé ? UFC-Que Choisir, Générations Futures, Agir Pour l'Environnement.